E comme épicier

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E comme épicier

L’épicier de Corbère-les-Cabanes

 

Etienne Fabès est né le 10 septembre 1842 à Corbère, dans les Pyrénées Orientales. Petite commune du Ribéral, dominée par un château du XIIème siècle, elle compte à cette époque 1518 habitants.

Son père Joseph et sa mère Thérèse Grau sont brassiers, c'est-à-dire laboureurs à bras.

Il a déjà un frère de 3 ans, Joseph Laurent et une sœur de 1 an, Rose. Après lui naîtront dans ce milieu très modeste, Thérèse, Pierre, Marie-Rose et Joseph Pierre.

Service militaire accompli, il s’installe comme épicier dans la commune voisine de Corbère-les-Cabanes.

Le 30 juin 1869, il épouse Espérance Bartho, âgée de 18 ans, originaire elle aussi de Corbère. 

C’est au fond d’un carton, acheté lors d’une vente aux enchères à Vinça, que j’ai découvert ce livre : le brouillard. C’est « un livre de commerce sur lequel on inscrit les opérations à mesure qu’elles se font », selon la définition de Littré. On y trouve le nom des différents créanciers ainsi que la nature de leurs achats. Commencé le 23 septembre 1862, cet exemplaire se termine le 3 avril 1866.

Outre le nom des denrées achetées, il contient quelques annotations permettant de connaître la profession de quelques habitants : François RIBES est cantonnier, Jean-Baptiste et François PLANEILLE sont maréchaux-ferrants, Joseph et Jean COSTE sont bergers, André ROIG est bourrelier. André CAPDEILLAYRE est menuisier et c’est sa femme Adèle qui fait les achats. De même pour Virginie PULL la femme du boulanger. Le meunier est André CLANET, le boucher Joseph VIDALET et le tonnelier Raphaël GASSET. Une belle photographie du village.

Les achats effectués par les habitants sont assez semblables : un peu d’alimentaire, beaucoup de savon, des bougies, de quoi coudre et tricoter, de l’alun, des plombs pour la chasse.

La tante Rose SOURNIA emporte du saindoux et une comporte à lessive.

François RIBES, le cantonnier, n’achète que du fromage.

Catherine et Jean-Baptiste MARIS, qui tiennent un des cafés, commandent bon nombre de bougies, de chandelles et du sucre en pain.

Bonaventure AUSSEIL qui va se marier à Millas a réservé des gants « mi soie » pour sa fiancée.

Anne et Marguerite BOUSQUET sont les clientes les plus fidèles. Elles achètent au moins deux fois par semaine mais, comme tous les autres, seulement un ou deux articles à la fois.

Anne achète des aiguilles à tricoter, divers crochets en os, des fils à broder, des écheveaux de fils de soie de Paris, du coton pour crochet n°16,  des aiguilles, des épingles, du ruban, du sergé bleu, du galon de laine, de la laine noire, du velours, du cordonnet pour crochet,  des ciseaux et des boutons de nacre fins.

De l’amidon, du savon et du savon à lessive, de « la poudre bleu d’outremer », des épingles à cheveux, des allumettes, de la stéarine, un fil à linge, un pot de nuit, des plumes et de l’encre, un panier et une cruche. Elle a rendu 21 bouteilles vides.

Une paire de chaussons, une paire de souliers venus de Perpignan, des bas de laine.

Des citrons, des pommes, du sucre cassonade, des vermicelles, des œufs, des pommes de terre, des pastilles de gomme, de la morue, du café, du sel, du fromage gras, du roquefort, du gruyère, du fromage rouge (Edam), du fromage frais et beaucoup, beaucoup de chocolat !

Marguerite a fait en plus l’achat d’une écharpe de soie, des boutons en agate et une cafetière.

Qui étaient Anne et Marguerite Bousquet ? Deux sœurs ? Les épouses de deux Bousquet ? La mère et la fille ?

La recherche va se poursuivre.

 

Anne et Marguerite Bousquet semblent appartenir à un milieu assez privilégié. Elles se fournissent en nombreux articles de mercerie, elles doivent coudre et broder. Elles sont les seules à acheter des bas et des souliers.

C’est le moment de me plonger dans les archives.

A Corbère les Cabanes, il y a plusieurs familles Bousquet.

Ne connaissant pas leur âge en 1862, elles peuvent être célibataires, filles d’un Bousquet, ou épouse d’un Bousquet.

Explorons les recensements: 1856, 1866 et 1876.

Commençons par chercher Anne. Je découvre la première, elle a 16 ans, fille de Thérèse Fons, veuve remariée à François Gorce, propriétaire. Elle aurait 22 ans en 1862. C’est possible.

En 1866, Anne 19 ans, fille de Jacques Bousquet, agriculteur de 45 ans, veuf. Trop jeune je pense.

Anne Bousquet, veuve de Pull Michel, maçon, 39 ans. Elle a deux filles de 12 et 18 ans. Elle avait 35 ans en 1862, c’est possible.

En 1876, Anne Bousquet, 33 ans, épouse de Jean Radondy, propriétaire originaire de Thuir. Elle avait 19 ans en 1862, elle s’est mariée à 16 ans. Fille de propriétaires, il a été établi un contrat de mariage. Deux petites filles naîtront rapidement.

Je pencherais pour celle-ci et vous, qu’en pensez-vous ?

Passons à Marguerite.

En 1856 nous avons Marguerite Desserès épouse de Jacques Bousquet et mère de Anne Pull, précédemment nommée.

En 1866, ça se complique : Marguerite Serny, 52  ans, épouse de Joseph Bousquet, propriétaires du mas Marabiu, a une fille Marguerite de 21 ans qui épousera Joseph Capdeillayre en 1869, un cultivateur de Camélas.

J’explore aussi la commune voisine de Corbère où je découvre une autre Marguerite, Marguerite Bousquet, 22 ans en 1856, fille d’André, cultivateur et de Rose Tixador.

Quelle est cette Marguerite qui achète une écharpe de soie à Etienne Fabès ? Cela restera un mystère….

Pendant que j’y suis je cherche à en savoir plus sur notre épicier. En 1856, il a 14 ans et vit avec sa mère Thérèse Grau, 48 ans, veuve de Joseph Fabès et sa grand-mère Rose Gally, 72 ans.

En 1866 il a donc 24 ans, il est épicier. Sa grand-mère est décédée.

En 1876, il a épousé Espérance Barthro et deux enfants sont nés : Thérèse  qui a 6 ans et Marie qui en a 5.  Marie décèdera à l’âge de 20 ans. Thérèse se mariera avec Félix DOUTRES, maçon. Ils auront 3 filles et un garçon Joseph, mort pour la France en 1916.

Etienne sera témoin au mariage de Marie FANES et du buraliste Pierre MARIUS et à la naissance d’Omer, le fils de François PLANEILLE et de Marguerite CAPDEILLAYRE.

Ainsi va la vie au village de Corbère les Cabanes.

Etienne Fabès décèdera en 1873 à l’âge de 31 ans, c’est son épouse Espérance qui poursuivra l’activité d’épicière.

 

 

 

 

 

 

 

 

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