P comme Parnolles (le crime de Parnolles)

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P comme Parnolles (le crime de Parnolles)
P comme Parnolles (le crime de Parnolles)

Au nord-est du département de l’Aube, se trouve le petit village de Joncreuil dans l’ancienne province de Champagne. 

Nous sommes en 1793, à Joncreuil. 246 habitants vivent essentiellement d’agriculture. Un peu à l’écart, sur la route d’Arrembécourt, se dresse la ferme de Parnolles. Pour s’y rendre, il faut emprunter des chemins souvent détrempés à la mauvaise saison et traverser de grands bois. Ne cherchez pas sur les cartes, cette ferme n’existe plus depuis longtemps. En 1950, elle figurait à l’état de ruines.

Un triste après-midi d’hiver, le 17 Frimaire de l'An II de la République, le brouillard est descendu sur la plaine, un froid humide s’abat sur la campagne. On n'entend que le croassement des corbeaux. Chacun préfère rester chez soi auprès du feu, d'autant qu'une bande de "chauffeurs"  sillonne la région.

Dans la ferme vit le propriétaire, le peu sympathique Jacques ROY, très imbu de sa personne. Il a fait un beau mariage, sa femme, Marie-Jeanne Royer, étant la fille d'un riche fermier , elle a du être bien dotée.

Marie Musseaux est sa servante et Antoine Charton son berger.

Dans le deuxième bâtiment d’habitation vit le fermier Pierre Gallot avec sa femme et son jeune enfant de dix huit mois.

Chez Pierre Gallot, on trouve également deux domestiques, Marie Angélique Bertet, 23 ans et Antoine Huat, 18 ans.

Jacques Pavie est le beau-frère de Jacques Roy, il est notaire dans la commune voisine d’Arrembécourt. Leurs épouses sont sœurs.

 

C’est en lisant l’acte de décès de Jacques Pavie (un de mes ancêtres) que je fais cette découverte :  

 Le 17 Frimaire an II, Jacques Pavie a été assassiné entre 7 et 8 heures du soir, au domicile de Jacques Roy, ferme de Parnolle, paroisse de Joncreuil.

Aussitôt je pense à un règlement de compte, une dispute qui tourne mal, mais la suite me sidère. Au même endroit, à la même heure, ce sont six personnes qui perdent la vie. Se côtoient donc sur le registre d'état civil les actes de décès de Jacques Pavie, Jacques Roy son beau-frère, Germain Prime, un marchand de Brienne le Château, 37 ans, Marie Angélique Bertet, 23 ans, la domestique, Pierre Gallot, 23 ans, le fermier et Antoine Huot, 18 ans un autre domestique.

Que s’est-il passé par cette glaciale soirée d’hiver ?

Je ne suis pas venue pour rien aux Archives Départementales de l'Aube.

Dans un carton, un almanach de « L'Est Eclair" de 1961 relate toute l'histoire. Les faits ont été écrits quelques années plus tard puis réécrits plusieurs fois par la suite. Je vous livre donc ce que j'ai lu.

M. Roy avait voulu fêter la Saint-Nicolas et malgré l’interdiction de se livrer à des pratiques dérivées de la religion, M. Roy entendait ne pas y déroger. Mais les invités, soit par peur de se compromettre, soit à cause du mauvais temps, étaient restés chez eux.

Il y avait cependant ce soir-là des hôtes de passage à la ferme de Parnole.

En effet M. Roy avait accompagné à Outines, dans l’après-midi, son beau-frère, Me Pavie, notaire à Arrembécourt (mon arrière-arrière-arrière-arrière-grand-père) où celui-ci avait été appelé pour affaire. En sortant de chez ce client, il y avait une telle brume que l’on dût éclairer leur mise en voiture et les premiers pas du cheval. Me Pavie désirait rentrer directement chez lui mais sur l’insistance de son beau-frère, il accepta de venir finir la soirée à Parnole où ils arrivèrent vers 6 heures.. D'autre part, un marchand de grains de Brienne, M. Germain Prime (ou Prince) accompagné d’une femme de cette ville, Marie-Jeanne Houllier, attendaient le retour de M. Roy.

Etaient en outre présents le berger Charton, originaire d'Arrembécourt et la servante Marie Messaux.

Chez le fermier et sa femme, avec leur enfant âgé de quelques mois, se trouvaient les domestiques Antoine Huat  et Angélique Berthel ainsi qu’un petit domestique dont le nom n'a pas été conservé.

Madame Roy mettait la dernière main aux préparatifs du souper.

Soudain éclate un grand tumulte. Un groupe d’hommes armés fait irruption dans le domicile du fermier.

 

D’après la déposition de Marie-Jeanne Monservez, épouse Gallot :                                

Marie-Jeanne Gallot était, vers six heures du soir, avec son mari et ses domestiques auprès du feu, quand deux brigands sont entrés et se sont jetés sur eux à coups de sabre. Elle a reçu un coup à la figure près de la bouche et cassé des dents, et l’ayant laissée par terre sont sortis et sont entrés chez le citoyen Roy.

Puis, étant entrés ont demandé son mari pour le tuer, un autre étant encore rentré l’a frappée à la tête et sur les épaules avec un bâton, puis ils ont poursuivi les domestiques dans une chambre donnant au nord, les ont frappés de coups de sabre et les ont très maltraités.

S’étant retirés et passés dans une écurie aux chevaux, elle en a profité pour se cacher sous le lit du domestique. Les brigands étant encore rentrés et sortis, elle est sortie un instant après, est rentrée chez elle, y a trouvé son enfant de quelques mois, qui n’a point eu mal, sur la couche. Un instant après, étant entrée dans une chambre à côté, elle y trouva son mari sur le plancher dessous l’escalier du grenier, expirant des blessures qu’il avait reçues.

Pendant ce temps, dans la ferme du citoyen Roy , d’après la déposition d’Antoine Charton, le berger :

J’étais occupé à couper la soupe pour la maison du dit Roy, quand j’entendis des cris provenant de chez le citoyen Gallot. Aussitôt j’ai ouvert la porte et je me suis trouvé en présence de cinq à six brigands qui m’ont empêché de sortir, en me donnant un coup de bâton qui m’a renversé par terre. Puis ils sont tombés à coups de sabre sur Jacques Roy et sur Prince en me donnant toujours des coups. Trois autres forcèrent une armoire. Qu’après que les brigands ont pris ce qu’ils ont trouvé et ils ont dit au citoyen Roy : « Vieux mâtin tu en a plus que ça, montre-nous le reste. »

Qu’aussitôt les dits brigands sont entrés dans une petite chambre servant de cave, ont vu dedans l’épouse du dit Roy et le citoyen Pierre Gallot, son neveu, ils l’ont attiré en lui disant : « Il faut que tu nous enseignes la bourse ou je te tue. » Qu’étant sortis de la dite chambre avec les assassins, il se rue sur eux jusqu’à ce que épuisé par les blessures il réussit à s’enfuir et alla malgré sa faiblesse alerter les habitants de Joncreuil.

 

Profitant du passage des brigands dans une autre pièce, Marie-Jeanne Gallot sortit et s’enfuit par les champs.

Marie Françoise Houllier n’a dû son salut qu’en se cachant parmi les cadavres de Roy, Prince et Pavie, blessée elle même à la tête et au bras, elle fût laissée pour morte.

Marie Musseaux se cacha derrière des tonneaux.

Pierre Huat, âgé de dix-huit ans, qui malgré ses blessures graves réussit à se réfugier à Joncreuil décéda le lendemain matin.

Les citoyens de Joncreuil, alertés par Antoine Charton, sonnent le tocsin et délibèrent. Enfin, on s’arme de ce qui tombe sous la main et, conduits par le maire, ils courent vers la ferme.

Hélas ! trop tard. Il ne reste plus que des gens épouvantés, la plupart blessés et cinq cadavres.

Les victimes sont Jacques Roy, son beau-frère Jacques Pavie, Germain Prince, Pierre Gallot, Angélique Bertet.

Dans la cour on retrouvera le reste des larcins que les brigands n’avaient pas eu le temps d’emporter, dérangés par la cloche et l’arrivée des sauveteurs.

Nicolas Charton et Marie-Jeanne Gallot survécurent à leurs blessures.

Quand à Marie-Jeanne Houllier, sa conduite a paru suspecte. Elle a en effet été épargnée. La rumeur publique la suspecta de complicité mais aucune preuve ne fût établie.

Pendant longtemps, le nom de Parnolles fut un sujet d’effroi, on n’en parlait que bas, car on ne pouvait l’évoquer sans frissonner et sans qu’une angoisse ne vous étreigne la gorge.

Le temps là comme ailleurs fit son oeuvre et il ne resta plus de cet horrible crime que le souvenir vivace certes, mais atténué et le regret de l’impunité.

 Sources : - Archives départementales de l'Aube

- Almanach de "L'Est Eclair" 1961

- Joncreuil, le crime de Parnolles, Jean Arnoult et Claude Félix 2010

 

 

 

 

 

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